Préambule.-
Au cours d’un séisme, la vibration du sol peut entraîner une perte de résistance ou de rigidité des couches (fondation) de sol situées sous les ouvrages civils. Les conséquences immédiates sur ces ouvrages sont:
Mouvement important des bâtiments (rotation, tassement, effondrement).
Subsidence (affaissement généralisé sur une grande superficie) du sol.
Glissement de terrain.
Perte de stabilité de murs de soutènement.
Rupture de pentes dans les ouvrages en terre.
Liquéfaction du sol (peut être présente dans certains de cas ci-dessus.)
et ainsi de suite.
La liquéfaction est donc l’un des processus par lesquels le sol de fondation conduit à des désordres. La liquéfaction est un phénomène associé principalement, mais pas exclusivement aux sols saturés sans cohésion. La liquéfaction du sol est observée dans la plupart des séismes importants.
Avant de fournir quelques notions plus techniques permettant de comprendre un peu le phénomène de liquéfaction, nous allons d'abord présenter un vidéo et quelques images dans le cas du séisme de Niigata, au Japon en 1964.
Mentionnons en passant que le phénomène de liquéfaction peut se manifester (et s'est manifesté le 12 janvier 2010) lors d'un séisme affectant certaines régions d'Haïti telles que: Léogâne, Port-au-Prince, le littoral entre Léogâne et Port-au-Prince, etc. Une étude sérieuse devrait être entreprise pour identifier avec plus de précision les zones où se situent les couches de sols liquéfiables en Haïti.
La liquéfaction du sol au cours du tremblement de terre de Niigata au Japon en 1964.-
Il s'agit du premier cas de liquéfaction retentissant dans le monde.
Nous avons trouvé sur le Web le vidéo ci-après sur la liquéfaction des sols réalisé au cours du séisme de Niigata, Japon en 1964:
Les images qui suivent illustrent les dégâts causés par la liquéfaction durant le séisme de Niigata (1964).
Les dépôts de sols au vieux Niigata sont susceptibles de se liquéfier, tandis que ceux du nouveau Niigata ne le sont pas.
Figure 1.- Rotation de plusieurs blocs d'appartements dans le vieux Niigata au cours du séisme en 1964
Source: Winterkorn and Fang (1975)
Figure 2a.- Rotation d'un bloc d'appartements dans le Vieux Niigata au cours du séisme de 1964.
Source: Finn, Troisième conférence canadienne sur le Génie sismique, 1979, p. 96
Figure 2b.- Important bâtiment fondé sur pieux, situé dans le Vieux Niigata, mais non affecté par la liquéfaction au cours du séisme de 1964, ni dans sa structure, ni dans ses fondations.Source: Finn, Troisième conférence canadienne sur le Génie sismique, 1979, p. 105
Figure 3a - Une vue d'avion du Nouveau Niigata immédiatement après le séisme de 1964 et non endommagé par le séisme.Source: Finn, Troisième conférence canadienne sur le Génie sismique, 1979, p. 102
Figure 3b.- Une vue des dommages dans une rue du Vieux Niigata immédiatement après le séisme de 1964Source: Finn, Troisième conférence canadienne sur le Génie sismique, 1979, p. 102
Figure 3c.- Relation entre l'âge géologique d'un dépôt de sable et sa densité (ou son indice des vides)Source: Finn, Troisième conférence canadienne sur le Génie sismique, 1979, p. 103
Sur la figure 3c, on voit que plus le dépôt de sable est âgé, plus il est dense (masse volumique su sol sec élevée, indice des vides faible).
On a constaté que les alluvions de sable et les remblais hydraulique déposés depuis les travaux de restauration de Meiji à la fin du 19e siècle, se sont tous liquéfiés au cours du séisme de 1964 à Niigata. Les dépôts de sable plus âgés à Niigata ne se sont pas liquéfiés. Les figures 3a et 3b illustrent les deux situations à Niigata. La figure 3a montre le vieux Niigata après le séisme où aucun dommage n'est apparu. La figure 3b montre le nouveau Niigata où, pendant le séisme, le sol s'est liquéfié, et la rue est sous un mètre de sable liquéfié.
Il a été démontré que plus le dépôt d'alluvions est vieux, plus élevée est sa résistance à la liquéfaction. C'est ce qu'illustre la figure 3c qui provient d'une étude du chercheur japonais Tohono (Tohno (1975), cité par Finn dans les comptes rendus de la 3e conférence canadienne sur le génie parasismique). La figure 3c montre un accroissement dans la densité (ou une diminution dans l'indice des vides) des jeunes dépôts Holocène jusqu'aux très vieux dépôts de l'ère Tertiaire. Ces accroissements de densité peuvent se détecter par une augmentation des valeurs de l'indice de pénétration standards N. Nous reviendrons dans un autre article sur ce point.
Figure 4a.- Un bassin de traitement des eaux usées flottant sur sa fondation liquéfié au moment du séisme de Niigata (1964).
Source: Prakash (1979), Soil Dynamics
Figure 4b.- Une automobile se noie dans le sol liquéfié au cours du séisme de Niigata (1964)Source: Prakash (1979), Soil Dynamics
La manifestation la plus courante de la liquéfaction durant le séisme.-
Le sable donne l’impression de bouillir en surface et un mélange de sable et d’eau sort en jets, tels des geysers ou des petits volcans en différents points de la surface.
Explication simplifié et rapide du phénomène.-
Les vibrations du sol lâche, saturé d’eau de la nappe phréatique, font que les particules solides ont tendance se rapprocher (tendance à la densification); alors l’eau du sol subit une augmentation de pression; cette pression interstitielle additionnelle repousse les grains solides jusqu’à défaire leurs contacts: alors le dépôt de sol en question «bout» et un mélange de grains et d’eau sort à la surface du dépôt en jets (comme un geyser).
Quelques considérations plus techniques:
Principe de Terzaghi: σ = σ’ + u
Loi de Coulomb (résistance au cisaillement): τf = (σ – u) tan φ’
Durant le séisme, σ reste constant, u augmente, donc σ’ peut diminuer jusqu’à s’annuler. Alors, la résitance (au cisaillement) du sol devient nulle.
Aperçu sur le cas d'Haïti: séisme du 12 janvier 2010.
Je n'ai pas encore eu la chance de visiter Haïti après le séisme. Je me fie donc aux témoignages de collègues ingénieurs civils, de chercheurs qui ont visité les lieux et qui ont collaboré à la rédaction de rapports techniques sur les dégâts causés par le séisme. Il faut noter que la liquéfaction est peu documentée et pas toujours convenablement expliquée. De plus, il y aurait des témoignages de gens (non spécialistes) qui étaient sur les lieux, par exemple, le phénomène de geyser (liquéfaction) à Léogane mentionné dans les nouvelles à la télé selon ce que m'avait rapporté un collège géotechnicien comme moi qui ne connaît Haïti que par des amis et les médias. Ces témoignages de profanes ont circulé sur le Web dans les jours qui ont suivi le séisme, mais nous n'avons pas pu les repérer sur la toile quelque six mois plus tard. Aussi, nous demandons au lecteur qui disposerait de photos prises au cours du séisme dans la zone côtière située entre la baie de Port-au-Prince et Petit-Goâve, incluant donc Martissant, la zone dite des Rails, Côte-Plage, Arcachon, Carrefour, Mariani, Gressier, Léogâne, Fauché, Grand-Goâve, etc, de bien vouloir communiquer ces images (photos numériques) au Coin de Pierre (jfjpm_2@yahoo.fr).
Dans le rapport: Analysis of Multiple Natural Hazards in Haiti, j'ai tiré les deux passages qui suivent:
«Liquefaction is sometimes also accompanied by deformation, and even by fracturing of upper soil layers, causing their displacement and lateral spread toward surrounding land depressions. Lastly, the soil’s loss of shear resistance also leads to a loss of its load-bearing capacity; buildings and other structures can therefore either sink, with differential settlements, or float owing to the buoyancy effect.»
«Liquefaction is significant particularly in river basins, alluvial depressions such as the Cul-de-Sac Plain, the deltas of the Froide river (Carrefour) and Momance river (Léogane), where the groundwater aquifer is close to the surface. Numerous examples of this type of effect were observed in the aftermath of the earthquake of January 12, 2010, particularly around port facilities in Port-au-Prince and fuel tanks at the Carrefour power plant, where damage was considerable.»
Nous reviendrons sur la liquéfaction dans un prochain article pour faire part de quelques solutions techniques disponibles pour contrer les effets de la liquéfaction voire l'éviter, si possible. On parlera aussi des techniques disponibles pour déceler si un dépôt est liquéfiable ou pas.
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Références.-
Comptes rendus Troisième conférence canadienne sur le génie parasismique, tomes 1 et 2, Montréal 4, 5 et 6 juin 1979, 1388 pages.
Soil Dynamics, par Shamsher Prakash, Éditeur McGraw-Hill, 1981, 426 pages.
Foundation Engineering Handbook, par Winterkorn, H.F. et Fang, H.Y., Éditeur Van Nostrand Reinold, 1975, 751 pages.
À suivre.
Dr. Pierre Montès
Tous droits réservés, (c) 2010
Dernière mise à jour: 5 septembre 2010